La "Jaunisse": l'Ictère

Page mise à jour le 17/03/2015
Auteur : 
Dr. Rodolphe Sobesky, Hépatologue

 

Photographie couleur : Coloration jaune du fond de l'oeil caractéristique d'un ictère. Hopital Paul-Brousse, 2015

L'ictère, appelé couramment "jaunisse", est une coloration jaune ou jaunâtre de la peau et du fond de l'oeil due à une augmentation de la concentration de bilirubine dans le sang (bilirubinémie).

La bilirubine est délivrée dans le sang sous sa forme "libre", puis elle est transformée par le foie en "bilirubine conjuguée" pour pouvoir être filtrée par le rein. Chez le sujet normal, le taux sanguin de bilirubine totale (somme des taux de bilirubine libre et conjuguée) est presque exclusivement représentée par la bilirubine libre, dont la principale source est le produit de la dégradation des globules rouges du sang. L'augmentation du taux de bilirubine, qui entraîne l'ictère, peut venir de la bilirubine non-conjuguée (libre), de la bilirubine conjuguée, ou des deux fractions.

Causes de l'ictère

Ictère à bilirubine libre

Les ictères à bilirubine non conjuguée sont surtout liés à une augmentation de la destruction des globules rouges (hémolyse) ou à la diminution de la conjugaison de la bile au niveau du foie.

Ictère à bilirubine conjuguée

La cholestase, c'est à dire la diminution ou arrêt de la sécrétion de la bile, est l'origine la plus fréquente des ictères à bilirubine conjuguée.

Cholestase avec obstacle sur les voies biliaires

La cholestase peut être due à une obstruction des canaux biliaires au niveau des gros canaux (visualisable par les techniques d'imagerie) ou au niveau des canaux de petit calibre (observables seulement par examen microscopique d'une biopsie du foie).

L'obstruction de la voie biliaire principale est le mécanisme le plus fréquent conduisant à un ictère. Les autres causes majeures d'ictère lié à une cholestase sont les cancers du pancréas, de la voie biliaire, ou l'obstruction par calcul (lithiase biliaire). D'autres causes moins fréquentes sont également possibles : sténose post-opératoires des voies biliaires, compression des voies biliaires par des ganglions, inflammation des canaux biliaires.

L'obstruction des canaux biliaires de petit calibre doit être diffuse pour entraîner un ictère. Les principales causes en sont la cirrhose biliaire primitive et les cholangites (par exemple la cholangite sclérosante primitive entraînant une inflammation des petites et des grosses voies biliaires).

Cholestase sans obstacle

Des atteintes des constituants de la bile au niveau de la cellule hépatique peuvent aussi entraîner une cholestase et un ictère.

De rares atteintes génétiques peuvent produirent des cholestases dans l'enfance évoluant vers la cirrhose. De même, des épisodes récidivants de cholestase spontanément régressive ou une cholestase gravidique (cholestase lors du 3eme trimestre de la grossesse) peuvent survenir. Enfin, une diminution du transport des composants de la bile au niveau de la cellule peut être observée au cours de différents processus inflammatoires tels que certaines hépatites virales, médicamenteuses ou alcooliques.

Ictère lié à des mécanismes multiples

Fréquemment, l'ictère ne relève pas d'un seul des mécanismes précédemment décrits mais d'une conjonction de différents facteurs. C'est souvent le cas des malades atteints de cirrhose, dans un état grave, souvent infectés.

Quelques situations d'urgence associées à un ictère

Encéphalopathie bilirubinique

L'encéphalopathie bilirubinique est due à la toxicité de la bilirubine non-conjuguée pour le cerveau. Cette situation est observée dans la période néonatale ou le cerveau est particulièrement vulnérable en cas d'augmentation brutale et marquée de la bilirubine.

Angiocholite

L'angiocholite, caractérisée par une infection bactérienne de la bile et des voies biliaires est presque toujours associée à une lithiase de la voie biliaire principale ou des gros canaux biliaires.

Cirrhose avec ictère ou Insuffisance hépatique aiguë avec ictère

Au cours d'une cirrhose, quelle qu'en soit la cause, une poussée d'ictère doit faire rechercher des facteurs aggravants: une évolution de la maladie causale ou une complication (infection, hémorragie…). Ces facteurs aggravants doivent être recherchés immédiatement et traités sans délai.

Lors de l'insuffisance hépatique aiguë avec ictère, les concentrations des transaminases dans le sang sont très élevées (supérieures à 20 fois la limite supérieure des valeurs normales). Dans ce contexte, le diagnostic d'insuffisance hépatique sévère est établi en mesurant la diminution des concentrations de facteurs de la coagulation qui sont sécrétés au niveau du foie. Les causes peuvent être par exemple: les atteintes toxiques, les hépatites médicamenteuses, les hépatites virales.

Face à un ictère : orientation diagnostique, examens complémentaires

Les diagnostics d'ictère peuvent êtres établis sur les seules données de l'interrogatoire (couleurs des urines, douleur…) et sur l'examen physique. Quelques tests sanguins peu coûteux et sans danger donnent des informations complémentaires importantes (le type de bilirubine, les signes de cholestase du foie…).

Certains examens d'imagerie sont nécessaires pour définir la cause et le traitement d'un ictère à bilirubine conjuguée.

L'échographie permet d'affirmer dans certains cas les diagnostics de lithiase biliaire, d'obstruction des voies biliaires. Cet examen permet en outre de recueillir des renseignements sur le foie et ses vaisseaux.

Le scanner avec injection de produit de contraste est un examen peu invasif exposant le patient à une faible irradiation, il présente un risque de toxicité rénale ou de réaction d'intolérance dues aux produits de contraste iodés qui doit être pris en compte. Par rapport à l'échographie, le scanner permet une meilleure caractérisation des affections du pancréas ou des lésions tissulaires susceptibles de comprimer ou d'envahir les voies biliaires.

L'IRM abdominale est un examen peu invasif et sans danger, excepté chez les porteurs de matériel ferreux ou de stimulateur cardiaque. Ses limites sont le coût et la disponibilité de l'équipement. Certaines séquences d'IRM permettent une visualisation de très bonne qualité des voies biliaires et pancréatiques sans injection de produit de contraste.

L'échoendoscopie est un examen invasif effectué sous anesthésie générale pour établir le diagnostic de lithiase de la voie biliaire principale et pour une analyse fine des lésions du pancréas. L'examen est réalisé avec un appareil d'endoscopie qui contient à son extréminé une sonde d'échographie. Il permet aussi la réalisation de biopsies dirigées du pancréas ou de ganglions.

La cholangiographie rétrograde est un examen invasif, effectué sous anesthésie générale, exposant le patient à un risque d'inflammation des voies biliaires ou du pancréas. Sa résolution spatiale est meilleure que celle de l'IRM biliaire mais elle est nécessite un opérateur expérimenté, et reste parfois irréalisable au cause de certaines chirurgies antérieures de l'estomac ou des voies biliaires. La cholangiographie rétrograde permet d'effectuer des biopsies des obstacles des canaux biliaires et de traiter les calculs et sténoses (extraction des calculs, mise en place de prothèses).

La cholangiographie percutanée (transhépatique) est un examen invasif réalisé sous anesthésie générale. Son intérêt est d'être réalisable en cas d'échec de la cholangiographie rétrograde.