Déroulement des hépatectomies

Page mise à jour le 05/10/2014
Auteur : 
Dr. Eric Vibert

Avant l'intervention

Avant une hépatectomie, de nombreux examens sont effectués pour caractériser la lésion et évaluer le fonctionnement du foie et l'état général du patient.

Ainsi les outils d'imagerie sont indispensables : échographie, tomodensitométrie ou scanner, imagerie par résonance magnétique ou IRM, angiographie, PET-Scan (évaluation de l'activité métabolique des lésions), échographie de contraste, etc. Les images obtenues permettent une reconstruction tridimensionnelle qui offre la possibilité de calculer le volume et le poids du foie et des lésions, de préciser les rapports exacts avec les structures vasculaires et les éléments visibles à la surface du foie.

Des analyses sanguines sont nécessaires pour évaluer le fonctionnement de l'organisme et celui du foie (on mesure notamment les taux de prothrombine, facteurs de coagulation, albuminémie, taux de bilirubine et clearance du vert d'indocyanine).

Des tests fonctionnels comme les épreuves fonctionnelles respiratoires, l'échographie ou scintigraphie cardiaque, la coronarographie peuvent être nécessaires pour évaluer l'opérabilité d'un patient.

Souvent une biopsie sous contrôle échographique est effectuée. C'est un geste qui s'effectue au bloc opératoire, sous anesthésie locale ou générale et qui permet le prélèvement d'un fragment tumoral et d'un fragment hépatique pour pouvoir caractériser la lésion et l'intégrité de l'architecture du parenchyme hépatique pour pouvoir adapter au mieux la stratégie thérapeutique au malade. Cette biopsie est réalisée à l'aide d'une aiguille protégée de manière à éviter toute dissémination tumorale et elle est complétée à la fin par une injection de colle biologique dans le trajet de ponction pour éviter les saignements.

Parfois une décompression des voies biliaires est nécessaire, en cas d'obstacle biliaire qui intéresse la partie du foie qui restera en place après l'hépatectomie. Ce drainage peut être effectué de deux façons, par ponction percutanée transhépatique et drainage externe ou par sphinctérotomie endoscopique et drainage par les voies naturelles.

Conjointement aux autres traitements préparatoires avant l'hépatectomie, une amélioration de l'état nutritionnel peut être nécessaire.

Une chimiothérapie préopératoire est effectuée quand il existe un bénéfice attendu et prouvé, c'est-à-dire quand il est plus urgent de commencer par un contrôle systémique de la maladie avant de passer aux traitements locaux, ciblés sur certains sites tumoraux.
 

Hépatectomie par laparotomie (ouverte)

Incision

La plupart des hépatectomies est réalisée par une incision bi-souscostale, qui épouse la forme du rebord costal et est située à deux travers de doigt sous les côtes. Généralement cette incision est prolongée plus à droite (jusqu'à la ligne axillaire moyenne) qu'à gauche (ligne médio-claviculaire). Un refend médian jusqu'au sternum peut compléter cette incision. Dans certains cas une incision médiane est utilisée. L'incision sous-costale droite complétée par un refend médian, appelé incision de Makuuchi, est également utilisée. Toutes ces incisions sont longues, parce que le foie est un organe volumineux et qui est solidement attaché au diaphragme et à la paroi postérieure.

Libération du foie

La première étape d'une hépatectomie est l'inspection de la cavité abdominale et la libération du foie par section des ligaments qui l'attachent au diaphragme, au retropéritoine, à la paroi abdominale et thoracique postérieure et à l'estomac et au duodénum.

Échographie peropératoire

L'appréciation de la situation des lésions, des rapports avec les structures vasculaires et de l'aspect du parenchyme hépatique s'effectue par palpation qui sera couplée obligatoirement avec l'échographie pér-opératoire, méthode très fiable de diagnostic des petites lésions et de description des rapports au sein du parenchyme hépatique.

Contrôle des pédicules vasculaires

L'hépatectomie proprement dite associe la section des pédicules vasculaires de la partie du foie réséqué et la section du parenchyme. Pour une petite résection atypique, les pédicules vasculaires de petite taille sont contrôlés et liés dans la tranche d'hépatectomie. Pour les hépatectomies anatomiques, plusieurs approches existent qui sont en pratique combinées et adaptées à la situation de chaque lésion.

Le chirurgien peut commencer par le contrôle, la ligature et la section initiale de tous les pédicules vasculaires du segment de foie à retirer puis réaliser la section du parenchyme ultérieurement. La technique opposée est l'"abord antérieur" qui commence par la section du parenchyme (tranche d'hépatectomie) pour permettre d'arriver sur les pédicules vasculaires à la fin. La technique la plus utilisée combine les deux méthodes : contrôle et clampage des pédicules vasculaires à l'extérieur du foie ou par une dissection parenchymateuse minime puis réalisation de la tranche d'hépatectomie avec ligature et section des pédicules vasculaires au niveau de la tranche. Le contrôle premier du pédicule hépatique, qui contient la veine porte et les artères hépatiques (sauf l'inconstante artère hépatique gauche) est réalisé quasiment de façon systématique et permet le clampage pédiculaire (manœuvre de Pringle) en cas de saignement abondant ou inattendu. Le contrôle et clampage des pédicules vasculaires du segment à réséquer avant la section du parenchyme permet de mettre en évidence à la surface du foie des limites de ce segment qui dévient ischémique (bleu). On peut également réaliser une injection sélective de colorant dans le pédicule portal d'un segment à réséquer (bleu de méthylène par exemple) ce qui crée une différence nette à la surface mais aussi dans la profondeur du parenchyme hépatique.

Section parenchymateuse : Méthode, limitation du saignement

Plusieurs méthodes de section parenchymateuses sont utilisées et sont à peu près équivalentes. La tranche d'hépatectomie est effectuée à chaque fois petit à petit, par écrasement ou pulvérisation des hépatocytes pour mettre en évidence les pédicules vasculaires et biliaires qui sont liés et sectionnés électivement. Ainsi la mise en évidence des pédicules peut être réalisée par dissection aux ultrasons (Dissectron, Cavitron ou CUSA), par écrasement à l'aide d'une simple pince métallique (kellyclasie), par dissection au jet d'eau, etc.

Le saignement peropératoire est limité si besoin par clampage sélectif de la partie de foie où se trouve le segment réséqué ou clampage pédiculaire voire exclusion vasculaire (qui associe en plus du clampage du pédicule, le clampage de la veine sus-hépatique du territoire réséqué – exclusion selective - ou au maximum le clampage de la veine cave inférieure en infra et supra-hépatique). Lors d'une exclusion vasculaire complète du foie, à cause du clampage de la veine cave le retour veineux au cœur est diminué et l'utilisation d'un shunt veineux cavo-cave entraîné par une pompe extracorporelle peut être nécessaire. Les durées de clampage sont limitées et les clampages sont utilisés avec parcimonie, d'autant plus que l'architecture du parenchyme hépatique est altérée.

Hémostase

En plus de la ligature élective des pédicules biliaires plusieurs méthodes sont utilisées couramment pour parfaire l'hémostase (l'arrêt des saignements) : coagulation monopolaire et bipolaire, coagulation à l'argon, utilisation de compresses de collagène avec des facteurs de coagulation, application de colle biologique.

Drainage et fermeture

A la fin de la résection, la plupart des hépatectomies nécessitent la mise en place de drains. Il s'agit de tubes en silicone ou autres matériaux plastiques qui servent à extérioriser les épanchements post-opératoires et empêcher la formation de collections. Les drains permettent en outre une surveillance aisée pour agir rapidement en cas de saignement ou d'écoulement biliaire après l'opération.

A la fin de l'intervention les muscles abdominaux et la peau sont recousus plan par plan.

Hépatectomie par coelioscopie

La cœlioscopie représente juste une voie d'abord différente. L'utilisation d'une caméra avec un objectif stérile et très long (35cm), d'une source de lumière froide et d'une colonne vidéo avec un moniteur permet la visualisation des gestes effectués sur un écran confortable. L'image est augmentée par rapport à la taille réelle ce qui permet l'observation des détails en permanence.

Les étapes de l'hépatectomie sont les mêmes qu'en laparotomie. Le contrôle des pédicules vasculaires est obligatoire. La pièce de résection est retirée souvent par une incision pelvienne basse, confortable en terme de douleur et esthétique.

Complications de l'hépatectomie

L'hépatectomie est une intervention chirurgicale majeure et le risque de complication post-opératoire est non négligeable. Pour le réduire au maximum toutes les précautions sont prises au cours de l'opération pour protéger le foie laissé en place après hépatectomie. Malgré tout les complications existent et sont d'autant plus fréquentes que la résection hépatique est importante en terme de pourcentage de parenchyme fonctionnel réséqué.

Les complications peuvent être d'ordre général (pneumopathies, insuffisance rénale) ou liées directement au volume de parenchyme réséqué (insuffisance hépatique postopératoire manifestée par un ictère ou jaunisse, fatigue, encéphalopathie ou confusion et somnolence, ascite ou épanchement liquidien abdominal et troubles de la coagulation).

Les complications locales sont principalement le saignement postopératoire, l'écoulement biliaire (fistule biliaire) et l'infection d'une collection au niveau du site opératoire. L'hépatectomie peut aussi se compliquer, comme tout autre acte chirurgical, par infection de la cicatrice, non-cicatrisation de la fermeture pariétale avec éventration, etc.

Il est donc essentiel de prendre les bonnes mesures pour prévenir au maximum les complications, mais aussi de réaliser une surveillance active après l'opération pour détecter et traiter rapidement les complications par mesures de réanimation et traitement médical, drainage percutané ou reprise chirurgicale.

Après l'opération

Pendant la période post-opératoire immédiate, le patient est surveillé en milieu spécialisé souvent avec un passage par l'unité de soins intensif pour une surveillance plus rapprochée. L'examen clinique, les bilans biologiques sont au début quotidiens et si besoin les examens d'imagerie sont utilisés pour dépister voir traiter une complication.

La régénération hépatique s'effectue généralement dans les quelques semaines qui suivent l'opération, mais la récupération de la capacité d'effort d'avant la maladie nécessite souvent plusieurs mois.