Le Cholangiocarcinome Extra-Hépatique

Page mise à jour le 22/09/2014
Auteur : 
Dr. E. Vibert

Epidémiologie

Le cholangiocarcinome extra-hépatique a une incidence stable autour de 0.8 cas pour 100 000 habitants. Les hommes et les femmes sont touchés avec la même fréquence, le plus souvent après 60 ans. Les causes d'inflammations biliaires chroniques (cholangite sclérosante, lithiase intra-hépatique et parasitoses biliaires) sont des facteurs de risque importants pour ce cancer.

Diagnostic

A la différence du cholangiocarcinome intra-hépatique qui se développe dans le parenchyme hépatique et n'est que tardivement symptomatique, le cholangiocarcinome extra-hépatique se développe au sein de la paroi des gros canaux biliaires et devient symptomatique plus rapidement. Dans l'immense majorité des cas, le cholangiocarcinome extra-hépatique se révèle par un ictère.

Le développement du cancer peut se faire au niveau des grosses voies biliaires du hile hépatique : on parle en ce cas de tumeur de Klatskin ou de cholangiocarcinome hilaire. Si la tumeur cancéreuse se forme plus bas dans la voie biliaire principale, on parle de tumeur de la voie biliaire principale.

Malgré leur volume souvent limité, ces tumeurs, placées au contact des éléments pédiculaires hépatiques, peuvent rapidement devenir irrésécables lorsqu'elles envahissent de manière bilatérale les pédicules hépatiques droit et gauche.

Comme toutes les tumeurs du foie, elles peuvent être découvertes par hasard dans le bilan d'une anomalie biologique (cholestase) ou lors d'une imagerie faite pour une autre raison. Le plus souvent, le cholangiocarcinome lui-même n'est pas perçu, ce sont ses conséquences (dilation des voies biliaires en amont de la tumeur) qui sont remarquées.

Les signes biologiques

L'ACE (antigène carcino-embryonnaire) et/ou le CA 19.9 (Carbohydrate Antigen 19.9) sont les deux marqueurs de cette tumeur détectables dans le sang. Ce sont les mêmes marqueurs que ceux du cancer du colon et des adénocarcinomes en général (cancer pouvant toucher le pancréas, l'estomac et l'intestin grêle).

Une cholestase et/ou un ictère, conséquence de l'obstruction biliaire, sont présents sur le bilan biologique (augmentation du taux sanguin de Gamma-GT et/ou de bilirubine totale). Tardivement, une diminution de l'absorption digestive de la vitamine K comme conséquence d'un ictère prolongé peut entrainer une diminution de la synthèse des facteurs de la coagulation (facteur V, prothrombine).

Les signes radiologiques

Les examens morphologiques effectués pour le diagnostic de la tumeur et l'évaluation de son extension sont le plus souvent : l'échographie, le scanner sans et avec injection de produit de contraste, la cholangio-IRM, parfois la cholangiographie per-cutanée et l'artériographie et rarement le PET-Scan (ou scintigraphie au 19FDG). Dans le cas particulier de la tumeur de la voie biliaire principale, une échoendoscopie est souvent réalisée.

Histologiquement, à l'examen microscopique, la grande particularité du cholangiocarcinome intra-hépatique est d'être une tumeur souvent petite mais fibreuse et infiltrante. C'est ce caractère fibreux et infiltrant qui lui donne sa principale caractéristique en imagerie : la délimitation difficile de son extension sur les examens préopératoires fait toute la difficulté de la prise en charge de cette tumeur. Comme le cholangiocarcinome intra-hépatique, son caractère fibreux en fait une tumeur qui n'est visible, souvent de manière très floue, qu'au temps portal.

Il arrive rarement que la tumeur soit responsable de métastases intra-hépatiques, mais elle entraine fréquemment un envahissement vasculaire et/ou ganglionnaire. En dehors du foie, le cholangiocarcinome extra-hépatique peut être responsable de l'apparition de ganglions métastatiques au niveau du pédicule hépatique ou à distance.

Le diagnostic est rarement précisément évoqué en échographie qui ne constate souvent qu'une dilatation bilatérale des voies biliaires. Si l'obstacle est haut situé (tumeur du hile), la vésicule est plate et la voie biliaire est fine; en revanche si l'obstacle est bas situé (tumeur de la voie biliaire principale), la vésicule est distendue, de même que la voie biliaire principale au-dessus de l'obstacle.

Le scanner avec injection puis reconstruction vasculaire et la cholangio-IRM permettent de déterminer la localisation précise du cancer au sein des voies biliaires et son extension vasculaire (veine porte et artère) et ganglionnaire.

A la différence du cholangiocarcinome intra-hépatique, le cholangiocarcinome extra-hépatique ne peut être diagnostiqué par une biopsie per-cutanée, car le volume de la tumeur et ses connexions vasculaire la rendent non contributive et dangereuse.

Le traitement du cholangiocarcinome extra-hépatique

Le traitement du cholangiocarcinome extra-hépatique est indispensable sous peine d'une évolution toujours fatale. Le seul traitement curatif est la résection chirurgicale complète du cancer. La chimiothérapie pré-opératoire n'a pas lieu d'être si la tumeur est résécable.

Après l'intervention chirurgicale, une chimiothérapie est souvent proposée même si, dans l'état actuel des connaissances, elle n'a pas fait la preuve formelle de son intérêt.

Dans des situations très précises, la transplantation hépatique peut donner de bons résultats.

La chirurgie du cholangiocarcinome hilaire (ou tumeur de Klatskin)

La particularité de la tumeur de Klatskin est d'être située au niveau du hile hépatique qui comprend les éléments vasculaires du foie droit et du foie gauche et qui est limité, vers l'arrière, par le segment 1 du foie. La chirurgie de la tumeur de Klatskin emporte donc le foie droit ou le foie gauche en fonction de la localisation droite ou gauche de la tumeur dans les voies biliaires. Le segment 1 qui, par sa position centrale, est très souvent envahi, est retiré de manière systématique. Vers le bas, la voie biliaire principale est réséquée et une anastomose hépatico-jéjunale sur une anse en Y est réalisée.

Dans l'immense majorité des cas, la chirurgie est précédée d'un drainage biliaire endoscopique de l'hémi-foie qui est conservé afin d'autoriser une régénération hépatique. Très souvent, la régénération hépatique est initiée par une embolisation portale de l'hémi-foie à retirer. Cette embolisation des branches portes du foie est réalisée par voie percutanée ou par voie abdominale par abord chirurgical de la dernière anse iléale.

La résection du cholangiocarcinome hilaire a lieu 1 mois après l'embolisation portale, après qu'un nouveau scanner ait confirmé que la chirurgie prévue est faisable en laissant un volume de foie résiduel d'au moins 0.7% du poids corporel. A la différence du cholangiocarcinome intra-hépatique, l'extension ganglionnaire, si elle est localisée au pédicule hépatique, n'est pas une contre-indication à la réalisation de l'hépatectomie, même si cette situation donne de plus mauvais résultat à long terme.

La place de la transplantation hépatique dans les cholangiocarcinomes hilaires est maintenant établie dans le cas d'une tumeur non résécable de moins de 3 cm et surtout sans envahissement ganglionnaire. Il ne s’agit pas simplement d’une transplantation hépatique mais d’un programme thérapeutique qui implique d’abord une radio-chimiothérapie centrée sur la tumeur pendant 6 semaines et une exploration chirurgicale pour affirmer l’absence d’envahissement ganglionnaire et seulement ensuite une transplantation hépatique qui donne de très bons résultats. Du fait de cette sélection, 25% des patients inclus dans ce programme ne parviennent pas à la transplantation.

Devant les très bons résultats de la radio-chimiothérapie et transplantation, une étude française menée par le Dr Vibert, chirurgien et transplanteur au Centre Hépato-Biliaire, a débuté en juin 2014 pour comparer les résultats de la chirurgie traditionnelle et ceux de la stratégie impliquant la transplantation hépatique. La radio-chimiothérapie et transplantation pourra peut-être devenir demain le traitement de référence du cholangiocarcinome hilaire.

La chirurgie du cholangiocarcinome de la voie biliaire principale

La particularité de la tumeur de la voie biliaire principale est d'être située au moins 2 cm vers le bas du toit de la convergence biliaire. Sa résection ne nécessite pas de résection hépatique dans l'immense majorité des cas mais peut, en revanche, imposer une résection du pancréas qui entoure la voie bilaire principale sur sa partie basse.

La décision d'une résection du pancréas peut-être évidente avant la réalisation de la chirurgie si les examens préopératoires (scanner et echoendoscopie) montrent une proximité trop importante avec le pancréas; cette décision peut aussi être prise au cours de l'opération.

En absence de résection pancréatique, le traitement est une résection de la voie biliaire principale avec une anastomose hépatico-jéjunale sur une anse en Y. En présence d'une résection pancréatique, le traitement est une duodéno-pancréatectomie céphalique.

La chimiothérapie intra-veineuse

Après la chirurgie, une chimiothérapie par GEMOX est souvent proposée, surtout s'il existe des signes de mauvais pronostic sur la pièce de résection (grosse tumeur, envahissement vasculaire, envahissement ganglionnaire microscopique).

En cas de tumeur irrésécable d'emblée ou du fait d'une récidive, un nouveau traitement peut-être proposé afin de diminuer la vitesse de progression de la maladie. Exceptionnellement, la chimiothérapie en diminuant le volume tumoral et/ou en stérilisant des sites métastastique extra-hépatique peut permettre une hépatectomie ou une réhépatectomie.

Dans tous les cas, la présence d'une obstruction biliaire rend indispensable un drainage biliaire qui doit être renouvelé au bloc opératoire sous anesthésie générale tous les 3 mois.