L'Hépatectomie

Page mise à jour le 05/10/2014
Auteur : 
Dr. Eric Vibert, Chirurgien

 

Le terme d'hépatectomie est synonyme de résection hépatique : c'est le geste chirurgical qui permet l'ablation d'une partie du foie.

Les hépatectomies sont indiquées pour le traitement :

  • des tumeurs hépatiques : tumeurs bénignes, tumeurs malignes primitives et métastases hépatiques
  • de pathologies infectieuses du foie : kystes parasitaires, abcès chroniques bactériens
  • de malformations du foie : dilatations localisées des voies biliaires.

Dans le traitement de ces pathologies, l'hépatectomie détient un rôle majeur, mais elle fait partie d'un arsenal thérapeutique varié qui comprend également la radiofréquence, la cryothérapie, la chimiothérapie systémique ou intra-artérielle hépatique, la radiothérapie, les drainages biliaires endoscopiques ou percutanés.

Les hépatectomies anatomiques et atypiques

Le foie est un organe parenchymateux (plein), volumineux et très richement vascularisé. Les divisions des vaisseaux sanguins (veine porte, artères hépatiques), des canaux biliaires, et le système efférent des veines hépatiques partagent le foie en huit segments. Ainsi on distingue:

  • une partie droite ou "foie droit", formée de deux secteurs (secteur antérieur qui comprends les segments 5 et 8, et secteur postérieur qui comprends les segments 6 et 7),
  • une partie gauche ou "foie gauche" (qui comprends les segments 2, 3 et 4)
  • et un segment situé à la partie postérieure du foie, en rapport étroit avec la veine cave, le segment 1.

Cette segmentation anatomique permet la réalisation des hépatectomies anatomiques ou typiques, lors desquelles un ou plusieurs segments sont réséqués en suivant les plans qui les séparent (scissures). Ces divisions anatomiques ne sont pas apparentes à la surface du foie et l'apport de l'échographie per-opératoire est indispensable.

Les hépatectomies typiques les plus pratiquées sont l'hépatectomie droite qui enlève le foie droit (segments 5, 6, 7 et 8), l'hépatectomie gauche (les segments 2,3 et 4) et la lobectomie gauche (segments 2 et 3).

Dans la partie antérieure du foie, l'insertion du ligament rond et du ligament falciforme séparent le foie en lobe gauche (segments 2 et 3) et lobe droit (segments 4 à 8). La résection d'un ou plusieurs segments en plus d'une hépatectomie droite ou gauche et en contiguïté avec la partie réséquée définit une hépatectomie élargie : hépatectomie droite élargie au segment 4 (lobectomie droite) ou élargie au segment 1, hépatectomie gauche élargie au segment 1, 5 ou 8 ou aux segments 5 et 8 (donc au secteur antérieur du foie droit).

Les résections d'une partie d'un ou de plusieurs segments, qui ne respectent pas les plans de séparation vasculaire et biliaire, constituent les hépatectomies non-anatomiques ou atypiques. La forme extrême d'hépatectomie atypique est la tumorectomie qui consiste en une résection d'une tumeur superficielle avec un sacrifice minime du parenchyme avoisinant. Dans le cas d'une tumeur maligne, la tumorectomie - on parle aussi de métastasectomie lorsqu'il s'agit d'extraire une tumeur métastatique - s'effectue avec une marge de sécurité, c'est-à-dire qu'on réséque aussi le parenchyme adjacent afin d'être sûr qu'il n'y a pas de résidu tumoral après la résection.

Les hépatectomies majeures

Une hépatectomie peut avoir des conséquences immédiates sur la fonction hépatique si le volume hépatique fonctionnel réséqué est important. C'est le cas avec les hépatectomies dites majeures, qui enlèvent au moins trois segments hépatiques. Les conséquences de ces hépatectomies sur la fonction hépatique varient en fonction du volume hépatique fonctionnel réséqué et de l'état du foie laissé en place.

Les gestes associés

En fonction de la localisation des tumeurs réséquées lors des hépatectomies et de l'envahissement local, différentes résections complémentaires des organes adjacents peuvent être effectuées. Les plus typiques sont :

  • la résection de la veine cave inférieure (qui est remplacée par une prothèse vasculaire)
  • la résection de la partie droite du diaphragme (qui est remplacé par une prothèse pariétale)
  • la résection de la voie biliaire principale qui se situe en dehors du foie : l'opération nécessite une anastomose biliodigestive.

La résection des tumeurs volumineuses situées dans la partie postérieure du foie nécessite la combinaison des techniques chirurgicales de l'hépatectomie avec celles de la transplantation hépatique pour réaliser des hépatectomies ex-situ. Le chirurgien effectue l'ablation complète du foie, il résèque la tumeur et réalise des reconstructions vasculaires et biliaires en dehors du corps, puis réimplante le foie

Laparotomie et Coelioscopie

Les hépatectomies peuvent être effectuées :

  • soit par ouverture directe de la cavité abdominale, sous contrôle visuel et manuel direct, on parle alors d'hépatectomie par laparotomie,
  • soit par le biais du contrôle vidéo, avec des instruments longs qui seront introduits dans la cavité abdominale par des petites incisions de 1 cm, à travers des trocarts : il s'agit en ce cas d'une hépatectomie par cœlioscopie ou laparoscopie.

Les avantages de la laparotomie sont qu'elle permet la réalisation de toutes les hépatectomies et de toutes les gestes associés et qu'elle permet le contrôle par palpation des structures. L'utilisation des loupes chirurgicales (2,5x à 4,5x) peut être nécessaire pour le contrôle des structures les plus délicates.

Les avantages de la cœlioscopie sont qu'elle réalise un traumatisme moindre sur la paroi abdominale et sur les organes abdominaux, permettant ainsi un meilleur contrôle de la douleur post-opératoire, qu'elle permet une inspection de toute la cavité abdominale par le même abord et qu'elle permet une visualisation agrandie de toutes les structures, identique pour tous les chirurgiens qui participent à l'intervention. La cœlioscopie nécessite l'insufflation de dioxyde de carbone à basse pression dans la cavité abdominale, permet des angles de vision qui ne sont pas possibles par laparotomie et prend généralement plus de temps.

Toutes les hépatectomies ne peuvent pas être réalisées par cœlioscopie, surtout quand les tumeurs sont situées à la partie postérieure et haute du foie et quand le contact avec les structures vasculaires est intime.

Pour toutes les hépatectomies les arguments pour et contre la laparotomie et la cœlioscopie sont discutés et la méthode la mieux adapté est choisie. Dans tous les cas, les hépatectomies ont lieu sous anesthésie générale.

Hépatectomies en deux ou plusieurs temps

La régénération hépatique

Après une hépatectomie importante, le foie se régénère. Il reçoit des stimuli de division cellulaire et, en multipliant le nombre de ses cellules et en augmentant la taille des segments laissés en place (hypertrophie), il tend à remplacer le volume hépatique enlevé. Ce phénomène de régénération hépatique se réalise en 2 à 6 semaines après l'hépatectomie, et permet des résections importantes (avec le risque de dysfonction hépatique transitoire) ou des résections répétées.

Stratégie de l'hépatectomie en deux ou plusieurs temps

Une hépatectomie qui laisse en place moins de 27% du parenchyme hépatique fonctionnel ou un foie de poids inférieur à 0,5% du poids corporel entraîne une augmentation très importante du risque de complications graves post-opératoires. Dans ces conditions, le risque est que le volume du foie soit insuffisant pour réaliser en même temps la régénération et assurer son rôle vis à vis de l'organisme - sa fonction d'homéostasie. Cette défaillance est appelée "syndrome small-for-size", de l'expression anglaise indiquant que le volume du foie est trop petit par rapport à la taille de l'individu.

Pour réaliser les hépatectomies qui nécessitent la résection d'un volume de foie approchant ou dépassant ces limites, plusieurs gestes sont habituellement associés. L'embolisation portale est le chef de file. Elle consiste en l'injection percutanée d'un produit épais qui bouche les branches portales destinés à la partie du foie qui sera enlevée quelques semaines plus tard, pour permettre une hypertrophie du foie qui restera en place, dès avant l'hépatectomie. L'embolisation des veines sus-hépatique peut potentialiser l'effet de l'embolisation portale dans certains cas.

En per-opératoire, les embolisations sont remplacées par ligature des pédicules portaux ou sus-hépatiques.

La destruction par radiofréquence (percutanée ou peropératoire) de petites lésions situées en profondeur de manière isolée peut également aider à l'épargne parenchymateuse.

La chimiothérapie permet également la diminution de taille des lésions, ce qui fait que la résection avec une marge de sécurité suffisante sera réalisée plus facilement parce que l'écart des structures vasculaires sera augmenté.

L'exemple type de la combinaison de ces techniques est la résection des métastases hépatiques en deux temps. Le premier temps consiste en la réalisation d'un nettoyage par résections limitées d'un côté et une ligature du pédicule portal de l'autre côte, celui qui contient les lésions les plus volumineuses et les plus nombreuses. Une chimiothérapie d'intervalle peut être réalisée. Dans un deuxième temps, une hépatectomie majeure est réalisée qui enlève la partie du foie précédemment dévascularisée.

lement dans les quelques semaines qui suivent l'opération, mais la récupération de la capacité d'effort d'avant la maladie nécessite souvent plusieurs mois.

Ré-hépatectomie

Grace à la régénération hépatique il est possible de réaliser des hépatectomies successives à plusieurs mois ou plusieurs années d'intervalle en cas de récidive de la maladie initiale, sans additionner les pourcentages de volume hépatique réséqué. Les ré-interventions sont toujours techniquement plus délicates, à cause de la présence des adhérences postopératoires et de l'aspect macroscopique du foie modifié par l'hypertrophie. Mais les réhépatectomies sont effectués couramment. L'échographie per-opératoire y joue un rôle encore plus important.