Cancer du foie

Page mise à jour le 29/07/2016
Auteur : 
Thomas Bréard

Voici le témoignage d'une femme transplantée suite à un cancer du foie.

 

 

"Tout d’abord, je souhaite faire passer le message suivant. Chaque expérience est unique. Les profils des patients et les pathologies sont tous différents. Ce témoignage retrace donc MON parcours, que je considère s’être très bien déroulé.

 

En 2005, un angiome hépatique géant mesurant environ 15cm a été révélé a l’occasion d’un banal examen sanguin mettant en évidence une élévation des phosphatages alcalines et GamaGT.

 

Cet angiome, extrêmement volumineux, était situé dans la région centrale du foie. Il comprimait les voies biliaires ainsi que la branche portale gauche. Par ailleurs, une circulation collatérale intra hépatique s’est développée, à laquelle s’est ajoutée une cholestase et une importante hépatomégalie.

Après quelques années sans modification significative de la taille, s’est posée la question d’une éventuelle résection qui n’a finalement pas été réalisée. En effet, la taille de l’angiome et sa localisation rendait cette exérèse extrêmement complexe, risquant en particulier d’entrainer une lésion de la convergence biliaire et un risque hémorragique per opératoire important. L’autre option était une transplantation hépatique, mais celle-ci restait très lourde pour une pathologie bénigne.

 

Par ailleurs, je me suis accommodée de cet angiome, physiquement et psychologiquement et menais une vie normale, malgré une légère gène fonctionnelle, et un proéminence abdominale très visible. Je rapprochais cette pathologie à un handicap plus qu’à une maladie.

 

Un suivi régulier a été fait pendant plusieurs années.

 

En 2013, après quelques années à l’étranger particulièrement prenantes et engagées, l’angiome avait grossi régulièrement atteignant plus de 25cm. Fatigue, dénutrition et perte musculaire ont atteintes un pic. De retour en France en 2014, consciente qu’il fallait entreprendre quelque chose dans un avenir proche, un bilan et une nouvelle revue des différents hôpitaux parisiens ont été menés afin de rencontrer à nouveau les équipes chirurgicales hépatiques. Le plus compliqué fût de faire le bon choix entre transplantation, résection (toujours évoquée), et attendre.

 

En octobre 2014, j’ai pris la décision finale avec le soutien de mon époux de m’orienter vers une greffe hépatique avec le Professeur Cherqui (qui m’avait suivi depuis 2005), et donc dans le service de chirurgie hépatique de l’hôpital Paul Brousse à Villejuif. Le choix d’un pôle de compétence réputé et expérimenté ainsi que l’expérience, la confiance et la fluidité dans la relation avec le chirurgien sont majeurs. Une infirmière coordinatrice devient à ce moment (et restera) votre contact privilégié avec l’hôpital, pour vous accompagner avant, durant et après l’intervention. C’est la coordinatrice qui vous appelle le jour J. Les explications sont très claires, l’encadrement du patient ainsi que de la famille est très utile. L’organisation reste une prouesse.

 

Etant particulièrement fatiguée et consciente de démarrer une période déterminante pour moi, j’ai eu la chance à cette époque de pouvoir réduire mon activité professionnelle, ce que j’ai fait jusqu’à la greffe. Se reposer, prendre ses marques, s’organiser, réfléchir, méditer, préparer son corps, profiter de ma famille, telles ont été les activités qui ont rythmé ces mois d’attente.

Le bilan pré-greffe d’une semaine s’est effectué en janvier 2015 ; après avoir vérifié que « tout le reste allait bien », mon inscription sur la liste des greffes  a été faite début mars 2015. Comme attendu par l’équipe, mon pronostique  vital n’étant pas engagé à très court terme, mon classement (score) était très bas et l’attente ainsi estimée au-delà de 2 ans. Et comme prévu, un dossier pour défendre mon cas dit « exceptionnel » (notamment par la rareté), a été envoyé à l’agence de la biomédecine afin de diminuer ce temps d’attente, ce qui fût fait 2 semaines plus tard.

Mi-mars, ma coordinatrice m’a annoncé un délai estimé à moins de 3 mois.

L’appel fût un jour de Mai à 00h20. N’ayant pas de voiture, j’avais organisé la solution taxi. Mais, d’un commun accord, nous sommes partis, sereins, à l’hôpital en scooter (30min), ce qui peut paraître inconscient vue de l’extérieur ou anecdotique selon certains. La prise en charge fût immédiate. Cette expérience en 2 roues aurait pu finalement s’avérer stupide car ma température était trop basse. Après quelques coups de fil et validation de l’anesthésiste, j’ai eu l’accord pour me préparer. L’appel du centre donneur pour confirmer que le greffon était sain arriva aux alentours de 3h. Toujours zen, je fit un petit somme en attendant tranquillement.

Le Pr Cherqui était en congés cette semaine-là et notamment sur le départ pour l’étranger le soir-même. Néanmoins, il avait donné l’instruction d’être informé, ce qui fût faire en fin de nuit. Nous avons compris après coup, que le léger retard de mon départ au bloc a été dû à l’organisation au sein de l’équipe chirurgicale afin que le Pr Cherqui puisse finalement faire cette transplantation, avant de prendre son avion le soir. Cela mérite d’être noté car de mon point de vue, ce fut atypique, peut-être unique, en tout cas plus que professionnel.

Je partis au bloc à 6h, sans appréhension, et en ressorti après 17h.

 

Les heures peuvent être longues pour la proche famille. Mon mari a reçu un appel de la coordinatrice vers 14h, lui mentionnant que la 1ère phase de l’opération, de loin la plus délicate compte tenu de ma pathologie, s’était bien passée. Le second coup de fil en fin de journée, fût un soulagement pour lui ainsi que mon médecin généraliste (et amie) avec qui il a pu partager ces moments si particuliers et stressant.

Mon fils, en voyage scolaire à l’étranger, fût contacté par mon époux le soir. Pas besoin de l’avoir probablement stressé en le tenant au courant plus tôt.

 

Les premiers jours dans le service réanimation sont les plus délicats car la douleur est bien présente, l’esprit est embrumé, le repos très difficile dû aux passages indispensables du personnel et aux bruits des machines, l’autonomie nulle.

Cette période a été très courte pour ma part (5 jours), mais peut être bien plus longue en fonction des patients.

Je me suis réveillée vers 8h le lendemain matin. Etant très calme au réveil, je ne suis restée attachée que peu de temps ce qui donne un premier sentiment  d’être libre de ses mouvements mais les tuyaux sont par contre très nombreux. Je me souviens très bien avoir pu faire un signe à mon époux de l’autre côté de la vitre. Cela peut paraître peu mais cela m’a également soulagé les épaules, le cou et les muscles de pouvoir étirer les bras.

La difficulté est également de choisir le moment ou il faut vraiment prendre des antidouleurs et quel type. En effet, le corps médical se renseigne sur le degré de la douleur (qui peut être variable selon les personnes) et conseille sur les différents médicaments avec les avantages et inconvénients. La morphine soulage énormément mais les effets secondaires sont désagréables (hallucinations, nausées, esprit embrumé) et sa prise ralentie la reprise du transit qui est la clé d’une récupération digestive rapide mais qui est une phase particulièrement douloureuse.  La respiration reste aussi un mauvais souvenir et je redoutais de voir arriver le kiné respiratoire (tant d’effort pour ouvrir sa cage thoracique).

A noter que la souffrance ne permet pas non plus de se reposer et le corps en a besoin. Chaque patient sent donc ce qui est le mieux pour lui et ce qu’il peut supporter.

Ayant pu discuter avec une greffée bien avant l’intervention, elle m’avait prévenu que cette phase est sans doute la plus difficile et je m’étais préparée psychologiquement à affronter ces moments. Cela m’a beaucoup aidé à rester calme, sereine et peu paniquée.

Le transfert en chambre est un soulagement et une première étape. Le suivi est plus espacé donc au début  stressant mais finalement cela vous motive à retrouver un minimum d’autonomie.

Premiers repas, premiers levers, premier déplacement à la salle de bain seule, premières douches. Tout ce qui parait normal, demande de l’énergie, de repousser ses limites ; c’est un mal pour un futur bien. Le corps étant une machine extraordinaire, le transit revient rapidement dès que nous passons aux positions assises puis debout même quelques instants. Et le reste, notamment la marche, dans la foulée ; tout cela en quelques jours. Chirurgien et kiné vous poussent pour que ces étapes soient les plus courtes possibles et ils ont bien raison. Puis il y a des déclics, les nuits deviennent complètes ; je me souviens m’être un matin réveillée plus légère, avec moins de douleurs, proche d’une forme normale.

L’alimentation est extrêmement importante. Il faut reprendre des forces et du poids. J’ai toujours fait attention à mes repas et ceux de l’hôpital sont plutôt très corrects mais ne sont pas des mets faits maison. Donc arrive vite l’envie de faire plaisir à son palais. C’est en général bon signe et j’attendais avec impatience les quelques petites douceurs sucrées que l’on m’apportait.

Deux semaines et demi plus tard (ce qui est très court), arrive enfin le jour du retour à la maison, que j’attendais avec impatience pour retrouver ma famille, un sommeil réparateur, le calme et des repas variés.

J’avais la chance d’avoir mon mari et mon fils présents auprès de moi au quotidien à la maison. Ils ont pris soin de moi et j'ai pu me reposer, alternant siestes, lecture, cuisine et petites marches. Nous étions très organisés à la maison, la présence d’infirmière si besoin est réconfortante. Le suivi médical en hôpital de jour, hebdomadaire au départ puis mensuel, est très pratique.

La cicatrisation interne est longue. Je ne trouve pas cela douloureux, seulement on ressent comme un poids qui tire vers le bas quand on en fait un peu trop. Il ne faut surtout pas bruler les étapes, mais écouter son corps, profiter du calme, tout en continuant à le faire fonctionner pour récupérer force et mobilité. J’ai eu également la chance d’avoir été opérée a la fin du printemps et ai ainsi évité infections et virus en bénéficiant des bienfaits de l’extérieur. Deux mois et demi après la greffe, je me suis autorisée une escapade d’une semaine hors de paris.

J’ai la grande chance d’avoir un mari et un grand garçon de 13 ans qui m’ont toujours accompagné, durant ces années avec cette pathologie, pendant l’attente de la greffe et après l’opération. Nous avions fait très tôt le choix de la transparence pour notre fils car les enfants comprennent très bien les choses. Il a donc pu lui aussi se préparer à ces étapes futures. Il a été ravi (et soulagé) d’apprendre que l’appel de l’hôpital le jour J s’est fait alors qu’il était en voyage scolaire à l’étranger. Et bien sûr de savoir que tout s’était bien déroulé. « Je n’ai jamais douté » raconte-t’il. C’est merveilleux, majeur et tellement précieux, dans le soutien quotidien, pour les difficiles choix, durant la préparation, par l’esprit pendant l’intervention, durant la convalescence. Mes proches, amis et collègues m’ont également beaucoup soutenu. J’ai été peu isolée.

Les équipes médicales et soignantes font un travail formidable, dans des conditions difficiles. Le professionnalisme et l’implication de l’équipe chirurgicale sont incroyables. Les personnels soignants qui vous accompagnent durant ces moments si particuliers sont d’une aide remarquable, toujours gentils, dévoués, souriants, optimistes et vous remontant le moral.  Nous pouvons être fiers de notre système médical français.

Tant de souvenirs qui resteront ancrés à jamais dans ma mémoire. Le visage de mon mari à mon réveil, l’attitude de l’aide-soignante qui m’a prise dans ses bras pour mon premier lever. J’étais si fragile.

La préparation est majeure, en terme de repos, de réflexion (voire de méditation) et d’information sur les étapes futures. J’aime à dire qu’il faut arriver « en forme » à l’opération. Cela fait partie de la réussite car cela reste une dure épreuve.

Le rôle des proches est également primordial. Ils accompagnent, soutiennent, aident a la décision quand cela se présente, aident a la convalescence et a reprendre une vie normale. Car les greffés peuvent retrouver une vie normale après, reprendre leurs activités, retrouver leur vie de famille et sociale. La médecine a beaucoup évolué, les traitements anti rejet sont moins lourds et la récupération souvent plus rapide (même si les cas et pathologies sont bien différents).

 

Le 1er pas est d'en discuter avec ses proches, amis, collègues. De savoir s'ils sont pour le don d'organes. Il faut que ce sujet soit plus abordé dans la sphère publique et ne soit pas un tabou. Les greffés sont conscients du cadeau et de la seconde chance qui leur soit offerte. Le don d’organes représente la vie et est synonyme d espoir pour des milliers de personnes."

 

Si vous souhaitez envoyer votre témoignage anonyme, vous pouvez écrire à l'adresse Breard.th@gmail.com.