Bilan Pré-Greffe

Page mise à jour le 16/02/2017

Comment évalue-t-on le candidat à la greffe hépatique au Centre Hépato-Biliaire?

L’évaluation du patient candidat à une transplantation hépatique (TH) vise à éliminer les contre-indications opératoires, mais aussi les contre-indications à la prise au long cours du traitement immunosuppresseur. Le bilan de pré-transplantation exhaustif peut prendre de 1 à 3 mois, mais si le pronostic vital est engagé dans ce délai, il doit être adapté.

Evaluation de l'opérabilité

Evaluation cardio-vasculaire

Il est recommandé d'effectuer un électrocardiogramme et une échocardiographie transthoracique pour éliminer une maladie cardiaque sous-jacente.

Chez les patients atteints de cirrhose, il existe une augmentation du débit cardiaque, conduisant à des troubles de la contraction du myocarde. Il est donc fondamental d’évaluer la fonction cardiaque du patient cirrhotique pour dépister cette pathologie nommée cardiomyopathie du cirrhotique.

Si le patient a de multiples facteurs de risque cardio-vasculaire, une épreuve d'effort est nécessaire dans le but de démasquer une cardiopathie ischémique asymptomatique. Un test d'effort au thallium est un examen peu invasif et utile. Dans certains cas, si une maladie coronarienne est suspectée lors de l'évaluation chez les patients à haut risque, une coronarographie doit être réalisée. L’examen en échographie-doppler des grands axes artériels est également fonction du risque lié à la maladie athéromateuse et aux facteurs de risque cardio-vasculaire.

Evaluation pulmonaire

Des épreuves fonctionnelles respiratoires et une radiographie du thorax sont recommandées pour dépister les maladies pulmonaires, parfois liées à la maladie hépatique elle-même. Lorsqu’un syndrome hépato-pulmonaire ou une hypertension porto-pulmonaire sont soupçonnés, une enquête plus approfondie doit être effectuée dans un centre expert, associant échographie de contraste avec épreuve de bullage et cathétérisme cardiaque droit.

Evaluation de la fonction rénale

Le syndrome hépato-rénal doit être différencié des autres causes d'insuffisance rénale chronique qui sont potentiellement non réversibles. L’estimation de la clairance rénale peut être difficile chez les patients atteints de cirrhose. La clairance à l’inuline et une biopsie rénale peuvent aider à la prise de décision si une double transplantation foie-rein est envisagée. Pour les patients ayant un taux de filtration glomérulaire inférieur à 30 ml/min, un syndrome hépato-rénal exigeant une dialyse extra-rénale pour une durée supérieure à 8-12 semaines, ou une biopsie rénale révélant une glomérulosclérose de plus de 30%, une double greffe est souvent nécessaire.

Etat général et nutrition

L'état général et l'état nutritionnel sont parfois difficiles à évaluer chez les patients. Les paramètres cliniques et biologiques utilisés peuvent ne pas s'appliquer en cas d'insuffisance hépatique sévère (indice de masse corporelle, albumine ...). De nouvelles études sont nécessaires pour développer des scores spécifiques. L'ostéoporose est également une complication fréquente chez les patients atteints de cirrhose. La densitométrie osseuse peut prédire le risque de fracture pathologique et permet de poser l’indication d’un traitement préventif.

Evaluation anesthésique

Une consultation d'anesthésie est obligatoire à la fin de cette évaluation pour évaluer le risque opératoire.

Evaluation anatomique

Le chirurgien doit être mis en garde sur la disposition des vaisseaux du receveur afin de prévoir la difficulté opératoire, en particulier pour le système artériel et le système portal. La présence de shunts qui doivent être liés au cours de la chirurgie ou la présence d'un ligament arqué qui comprime le tronc coeliaque sont systématiquement recherchés. L’angioscanner hépatique est devenu l’examen de référence, sauf en cas de contre-indications. Il a remplacé l’artériographie coelio-mésentérique, mais celle-ci reste indiquée en cas de variante anatomique complexe ou d’antécédents de chirurgie hépatique. La thrombose portale ne constitue que très rarement une contre-indication opératoire grâce aux progrès chirurgicaux (thrombectomie chirurgicale ou radio-interventionnelle, interposition de greffon veineux, hémitransposition porto-cave).

Recherche de contre-indication à la prise d’immunosuppresseur

Infections

Les patients atteints de cirrhose ont une susceptibilité aux infections. Un dépistage d'infection latente est nécessaire pour pouvoir traiter avant la transplantation hépatique et prévenir une exacerbation sous traitement immunosuppresseur.

  • Une radiographie du thorax doit être effectuée notamment à la recherche d’infections pulmonaires bactériennes ou fongiques, dont la tuberculose. Certaines équipes préconisent la réalisation d'une intradermoréaction. Pour d’autres, la recherche de bacille de Koch n'est pas systématique en l'absence de facteurs de risque et si la radiographie pulmonaire est normale.
  • La recherche de foyers infectieux profond ORL ou dentaires est systématique.
  • La recherche d’une aspergillose par l’antigénémie, d’une cicatrice de la syphilis, d’une légionellose est souvent recommandée.
  • Les hépatites B et C sont systématiquement recherchés, même si elles ne sont pas la cause motivant la transplantation.
  •  Une infection par le VIH a été considérée jusqu'à récemment comme une contre-indication à TH. Cela est dû à la gravité du pronostic spontané de l'infection à VIH. Depuis l’avènement des nouveaux antirétroviraux, le pronostic a été considérablement améliorée, si bien que les patients n’ayant pas fait de complications de type SIDA avec un taux de CD4 satisfaisant et une charge virale indétectable au long cours, sont maintenant des candidats à part entière à la transplantation hépatique.

Cancers

Ce dépistage doit tenir compte de l'âge, du sexe, des facteurs de risque comme l’alcoolisme chronique et le tabagisme.

Si un cancer extrahépatique évolutif est une contre-indication absolue à la transplantation, cependant, un antécédent de cancer déjà traité ne doit pas disqualifier le candidat. Une estimation de la survie et du risque de récidive à 1 an, 5 ans, 10 ans sous traitement immunosuppresseur par un oncologue est importante pour la décision. On admet qu’un risque de récidive à moins de 10% est acceptable. Le plus souvent, 5 ans sont exigés entre le traitement du cancer et la greffe. Ceci n’est pas un dogme et une évaluation au cas par cas est possible, tenant compte de la gravité de la maladie hépatique sous-jacente.

Le dépistage du cancer colorectal est obligatoire pour tout patient de plus de 50 ans par coloscopie. La recherche d'une néoplasie pulmonaire, ORL, œsophagienne et vésicale est obligatoire en cas de tabagisme. Toutes les femmes devraient avoir régulièrement un suivi gynécologique, incluant une mammographie. Chez les hommes de plus de 50 ans, le dépistage du cancer de la prostate se fait par le dosage des PSA*. Enfin un examen dermatologique est souhaitable.

Evaluation sociale, psychiatrique et addictologique

Cette évaluation est primordiale pour s’assurer de l’adhésion du patient au projet de greffe et aux soins futurs.

L’usage de drogues ou la prise d'alcool est considérée comme une contre-indication à la tranplantation hépatique pour de nombreuses raisons: le risque de récidive, le risque d’inobservance du traitement immunosuppresseur qui peuvent aboutir à la perte du greffon. Pour l'alcool, une période d'abstinence d’au moins 6 mois est généralement considérée comme nécessaire pour autoriser la greffe. Aujourd'hui, certaines équipes critiquent ce dogme qui ne permet pas de prévenir le risque de rechute. D'autres stratégies sont en cours d’évaluation. Une consultation psychiatrique et/ou addictologique est indispensable dans ce contexte.

Les taux de tabagisme pré- et post-transplantation sont élevés et entraînent une morbi-mortalité par accidents cardiovasculaires ou tumeurs malignes. L’obtention de l’arrêt du tabac doit être recherché au même titre que les autres mésusages même si un tabagisme actif n’est pas une contre-indication à la TH.

Âge

La limite supérieure d'âge pour une transplantation hépatique est sans cesse repoussée. L’âge de 65 ans est généralement considéré comme la limite, mais des TH sont effectuées avec succès chez des patients jusqu'à 70 ans. La discussion doit se faire en fonction de l’état général, de l’espérance de vie du patient.

Le bilan pré-transplantation en pratique au CHB

Évaluer et sélectionner un bon candidat pour une TH exige donc la collaboration de plusieurs spécialistes et la réalisation de nombreux examens.

Lorsque l’indication de la TH est posée par le médecin en consultation ou au cours d’une hospitalisation au CHB, le patient rencontre l’équipe de Coordination de Transplantation. Avec l’aide du médecin référent et de l’équipe de Coordination, le patient va débuter son évaluation. Souvent, une courte hospitalisation de 3 à 5 jours est nécessaire pour rencontrer tous les intervenants même si la grande majorité des examens peuvent être réalisés en externe (pneumologue, cardiologue, ORL, stomatologue, psychiatre, addictologie et enfin anesthésiste).

Lorsque la décision de transplantation est prise, le dossier du patient candidat est présenté par le médecin référent une première fois au staff de transplantation qui a lieu tous les mardis matins. L’ensemble de l’équipe de transplantation assiste à ce staff : coordinateurs, médecins, chirurgiens, anesthésistes. Cette première étape vise à réorienter les patients dont l’indication n’est pas formelle ou proposer des stratégies complémentaires qui pourraient améliorer les symptômes sans recourir à la TH. Si l’indication est retenue de façon collégiale, les responsables du programme de transplantation au CHB, le Professeur Castaing et le Professeur Samuel, signent la feuille rose qui permet de poursuivre l’évaluation du candidat.

Aux termes du bilan et en l’absence de contre-indication, le dossier du patient est présenté une seconde fois au staff de TH. Les chirurgiens regardent une dernière fois la meilleure technique à employer pour le patient. L’inscription définitive est alors validée. Reste à inscrire le patient sur la liste nationale de greffe : ce sont les infirmier(e)s de Coordination Transplantation qui prennent en charge cette partie administrative. Grâce au programme informatique CRISTAL directement relié à l’Agence de la Biomédecine, le candidat est placé sur la liste. Le temps d'attente du greffon varie en fonction de l’indication de la greffe mais également de la gravité de l’état du patient.

En conclusion, le bilan pré-transplantation a pour but de peser les bénéfices et les risques pour chaque candidat. Il peut être long à réaliser surtout si le patient souffre de pathologies extra hépatiques qui doivent être bien contrôlées avant tout acte chirurgical. La décision finale multidisciplinaire est prise compte tenu des avantages et des risques pour chaque candidat.