Chirurgie des métastases hépatiques

Page mise à jour le 10/12/2018
Auteur : 
Dr. Maximiliano Gelli, Dr. Amine Benkabbou, Chirurgiens

L'intervention chirurgicale a pour but d'enlever toutes les lésions tumorales (on parle d'"exérèse tumorale complète") en laissant un volume suffisant de foie fonctionnel (environ 30% du volume du foie initial). La préservation d'un pourcentage suffisant de foie non tumoral est une condition nécessaire pour éviter une insuffisance hépatique post-opératoire, qui représente aujourd’hui la première cause de mortalité post-opératoire après hépatectomie majeure (résection de plus de 3 segments).

La résection hépatique n'est justifiée que si elle est macroscopiquement complète, c'est à dire si la totalité de la masse tumorale a été enlevée. La seule exception à ce principe est l'hépatectomie en 2 temps dont le principe consiste, dans les tumeurs multiples non résécables en une seule opération, à réséquer une partie des tumeurs lors d'une première hépatectomie, attendre la régénération du foie restant, et compléter la résection tumorale lors d'une seconde opération, 2 à 4 semaines plus tard.

Dans tous les cas, l'exérèse de la tumeur doit idéalement comporter une marge de sécurité de tissu non tumoral afin de limiter au maximum le risque de récidive locale. La valeur de cette marge est estimée aujourd’hui entre 1 et 10 mm.

La mortalité post-opératoire de la chirurgie des métastases est comprise entre 0% et 3,7% dans la plupart des études récentes. La fréquence des complications post-opératoires varie de 15% à 46%.

Le concept de résécabilité

La résécabilité, c'est à dire : le caractère "opérable" ou non d'une tumeur, est la notion la plus difficile à définir. Sa définition varie d'une équipe à l'autre en fonction de l'expertise chirurgicale et de l'interprétation que chacun peut avoir de la balance bénéfice/risque. Plusieurs études randomisées ont clairement montré que les critères de résécabilité adoptés augmentaient avec l’expertise chirurgicale de l’équipe elle-même.

Facteurs généraux

L'âge ne doit pas être considéré en soi comme une contre-indication à la chirurgie hépatique. Nombre de malades âgés de plus de 75 voire 80 ans sont actuellement opérés, sous réserve de l'absence de contre-indication liée aux co-morbidités, plus fréquentes à cet âge. Les résultats de survie sont peu différents de ceux des malades plus jeunes.

Facteurs liés à la tumeur primitive

La présence de ganglions envahis et un intervalle de moins d'un an entre la résection du cancer primitif et l'apparition de métastases hépatiques sont tous deux associés à un moins bon pronostic.

La localisation du cancer primitif aurait aussi une valeur pronostique mais celle-ci est diversement appréciée. Certains ont montré que les patients avec cancer du colon droit avaient un moins bon pronostic que ceux ayant un autre cancer du colon ou du rectum. D'autres ont néanmoins rapporté un moins bon pronostic pour les cancers du rectum.

Le haut grade et le stade du cancer primitif sont également corrélés à une moins bonne survie.

Le nombre des métastases

Jusque dans les années 1990, il était classique de considérer que seuls les malades ayant trois métastases ou moins étaient susceptibles de bénéficier à long terme de la résection. Cette recommandation n'a plus cours actuellement et le nombre de métastases n'est plus une contre-indication sous réserve que l'exérèse des lésions soit complète.

Le nombre de métastases reste un facteur pronostique souvent utilisé dans les études. Dans notre expérience, la survie à 5 ans des malades réséqués d'au moins 4 métastases est de 30%. Même si elle est inférieure à celle des malades avec 3 lésions ou moins (survie à 5 ans : 45%), la résection n'en reste pas moins la seule possibilité de survie à long terme.

La taille des métastases

Les patients ayant de petites métastases ont un meilleur pronostic que ceux ayant une tumeur plus volumineuse. Néanmoins ces derniers peuvent bénéficier d'une chirurgie d'exérèse. La valeur seuil traditionnelle était de 5 cm cependant les séries récentes montrent que ce sont surtout les tumeurs de plus de 10 cm qui sont associées à un mauvais pronostic. Mais plus que la taille des tumeurs, c'est le pourcentage de foie envahi par la tumeur qui a une vraie valeur pronostique : le taux de survie à 5 ans s'élève à seulement 15% au-dessus de 50% de foie envahi.

Les marqueurs tumoraux

L'augmentation de l'ACE pré-opératoire est un facteur de mauvais pronostic. Le CA 19.9, les phosphatases alcalines et l'albumine pourraient également avoir une valeur pronostique.

Les marges de résection

Il est traditionnel de recommander une marge de résection de 1 cm pour toute exérèse de lésion tumorale maligne au niveau du foie.

Si la résection tumorale macroscopiquement incomplète doit être proscrite car il n'existe pas de bénéfice de survie, la résection macroscopiquement complète de la métastase sans marge est compatible avec une possibilité de survie à long terme tout à fait similaire à la résection avec marge de sécurité, mais avec un taux plus élevé de récidive locale. Cette dernière situation est le plus souvent imposée par les rapports tumoraux avec les structures vasculaires et biliaires intrahépatiques. En outre, une équipe japonaise a récemment montré que 80% des récidives locales se développaient dans une marge de 2 mm par rapport à la métastase. Une marge de 2 mm pourrait ainsi s'avérer suffisante dans la majorité des cas. Encore en 2014, une méta-analyse sur le sujet a clairement montré qu'une marge de 1 mm permet d’obtenir les mêmes résultats en terme de survie et survie sans récidive que des marges supérieures.

L'existence de métastases extra-hépatiques

C'est un autre facteur pronostique défavorable reconnu dans de nombreuses études. Néanmoins la résection séquentielle des 2 sites métastatiques quand elle se révèle potentiellement complète est compatible avec un bénéfice de survie à long terme.

Ceci est particulièrement vrai pour les métastases pulmonaires dont l'exérèse séquentielle combinée à celle des métastases hépatiques offre une espérance de survie de 25% à 45% à 5 ans. Récemment, on considère que c'est le nombre total de sites métastatiques (> 6) plutôt que leur localisation intra ou extra-hépatique qui est le facteur de plus mauvais pronostic. Les localisations ganglionnaires ou péritonéales sont généralement associées à un plus mauvais pronostic.

En pratique, le consensus actuel est de proposer la chirurgie dès lors qu'elle est techniquement faisable et potentiellement complète, indépendamment des facteurs pronostiques «défavorables», car la résection reste la seule possibilité de survie à long terme au prix d'un risque relativement faible de morbi-mortalité.

Les récidives tumorales après hépatectomie

Malgré le respect des règles carcinologiques, près de 2 patients sur 3 présentent une récidive tumorale dans les suites d'une chirurgie des métastases hépatiques. La chimiothérapie adjuvante post-opératoire est susceptible de réduire ce risque de récidive.

Lorsque la récidive se produit, elle se fait sous forme de localisations hépatiques isolées dans un tiers des cas. Dans ces cas, le recours à une nouvelle hépatectomie comporte un risque opératoire et des résultats de survie analogues à la première hépatectomie. Ainsi, dans le contexte de récidive, une hépatectomie itérative est envisagée chez tous les patients pour lesquels la résection est potentiellement curative.

La même attitude s'applique à la survenue de métastases extra-hépatiques, et en particulier pulmonaires, dont la résection après hépatectomie autorise une survie à 5 ans de 35% tout à fait comparable à celle des métastases hépatiques ou pulmonaires isolée.

 

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