Prise en charge d'une plaie des voies biliaires

Page mise à jour le 10/12/2018
Auteur : 
Pr. Denis Castaing

Plaie des voies biliaires

Une plaie traumatique des voies biliaires se définit comme une lésion accidentelle, par le chirurgien, de la voie biliaire principale.

Elle survient, le plus souvent, au cours d’une cholécystectomie (ablation de la vésicule biliaire). C’est, d’ailleurs, une des complications les plus graves des cholécystectomies. En général, la plaie arrive lorsque le chirurgien ne voit pas bien ce qu'il fait, analyse mal l’anatomie et confond la voie biliaire avec un autre élément du pédicule hépatique. C’est le cas lorsqu’il existe des variations anatomiques ou des conditions locales inflammatoires qui rendent difficile la dissection de la partie de la vésicule proche du canal biliaire principal. Pour éviter cela, le principal souci doit être, durant l'intervention, d'avoir une vision parfaite et une bonne compréhension de l’anatomie.  Au moindre doute, il doit agrandir l’incision, ou si l’on fait une laparoscopie (intervention vidéo-assistée), arrêter celle-ci pour faire une incision classique (conversion), afin de mieux voir.

Parce que les plaies méconnues lors de l’intervention ont une gravité immédiate et tardive beaucoup plus importante que celles qui ont été immédiatement réparées, il est du devoir du chirurgien qui fait la cholécystectomie de tout mettre en œuvre pour la reconnaître si elle survient. Pour cela, il faut :

  • prendre le temps d’un examen minutieux du champ opératoire après la cholécystectomie qui peut retrouver l'issue de bile ou la visualisation de 2 canaux sectionnés ...

  • réaliser une radiographie des voies biliaires (cholangiographie per-opératoire) de contrôle.

Réparation immédiate

Les réparations immédiates concernent, généralement, des voies biliaires dont les parois sont saines. Elles peuvent être difficiles à réaliser, mais ont de bonnes chances de réussir. Aussi, il faut se mettre dans les meilleures conditions pour le faire :

  • comme la pression psychologique sur le chirurgien qui vient de faire la plaie biliaire (souvent sans même comprendre pourquoi !) est très forte, il est sage d'appeler à l'aide un collègue. Son opinion et son aide peuvent avoir, également, une valeur médico-légale.

  • la lésion peut être haute, proche du hile, ou basse à la jonction cystico-cholédocienne, elle peut être associée ou non à une perte de substance, ce peut être une section franche ou une plaie latérale. Quelle que soit la lésion, les deux extrémités biliaires doivent être disséquées pour bien préciser l'étendue des lésions. Si la plaie a été faite sous laparoscopie, une conversion est recommandée. Il faut refaire une cholangiographie pour identifier les canaux biliaires en cause.

  • l'association de bile et de sang crée une cicatrice fibreuse et rétractile qui entraîne une sténose et une perte de longueur sur le canal biliaire en particulier vers le foie (le haut). Il faut tout faire pour l’éviter.

  • la réparation doit maintenir une longueur maximale de voie biliaire bien vascularisée au-dessous du hile et éviter une fuite biliaire dans la cavité péritonéale pouvant entraîner un cholépéritoine. Les lésions partielles sont traitées par une suture (non sténosante) sur un drain. Les plaies avec perte de substance doivent être traitée par une anastomose entre la voie biliaire et un segment d’intestin grêle, dite bilio-digestive ou mieux hépatico-jéjunale par anse intestinale en Y, à la Roux de 70 cm de long.

  • Toutes les sutures doivent être précises, sans traction sur la voie biliaire, avec un fil fin, à points séparés noués à l'extérieur et avec un drainage biliaire (le plus souvent un drain de Kehr). Il faut un drainage abdominal, qui sort à travers la peau par un autre orifice que la cicatrice, au contact de la zone de suture. Ce drainage est nécessaire pour éviter, s’il y a une petite fuite, que la bile se répande dans le ventre. Ce drain est laissé en place quelque jours.

  • On peut être amené, dans certains cas particuliers (paroi inflammatoire, lésion biliaire importante, non-reconnaissance de l'anatomie ...) à ne pas tenter dans l’immédiat de réparation et à mettre en place un drainage biliaire. La réparation sera différée.

  • Tout cela doit être écrit dans le compte-rendu opératoire.

Prise en charge différée de la plaie biliaire

Si la plaie n'a pas été reconnue en per-opératoire, elle va entraîner :

  • soit une fistule biliaire externe (issue de bile par la cicatrice),

  • soit un cholépéritoine (écoulement de bile dans le péritoine) dans les jours qui suivent la cholécystectomie,

  • soit un ictère (jaunisse) en général plus tard, lorsque le canal biliaire a été fermé par une ligature ou par la cicatrisation et que la bile ne peut plus s’écouler normalement dans l’intestin. Une infection des voies biliaires (angiocholite), éventuellement à répétition et/ou grave, peut se produire alors. L’obstruction biliaire chronique associée à l’infection peut entraîner la formation de calculs (lithiase intra-hépatique).

En cas de fistule biliaire externe, il ne faut rien faire et attendre que le trajet s'organise puis retirer progressivement le drain pour obtenir la cicatrisation de la plaie, le plus souvent par une sténose et un ictère. Un certain nombre de fistules guérissent spontanément.

En cas de cholépéritoine, il ne faut pas attendre ! C'est une urgence chirurgicale. Il faut intervenir pour transformer la fuite biliaire dans le péritoine en fistule biliaire externe et faire un lavage de la cavité péritonéale. Tenter la réparation biliaire dans ces conditions est prendre un risque très important d'échec.

En cas d'ictère et/ou angiocholite, il faut attendre au moins 2 mois avant d’envisager la réparation : les phénomènes inflammatoires entraînent une sclérose et une sténose au niveau de la plaie. La taille et la position de cette sténose ne sont définitives que lorsque l’inflammation a cessé. Il est impératif que la réparation se fasse sur des tissus sains et, donc, que l’on puisse correctement les identifier.  Le risque d’une intervention trop précoce est que la sténose en continuant d’évoluer va entraîner une sténose de la zone réparée. Enfin, plus la dilatation des canaux biliaires est importante, plus la réparation est facile.

 

Réparation biliaire différée

Schema-reparation-biliaire-Professeur-Castaing

Le traitement de ces complications peut-être : 

  • La mise en place d’une prothèse par voie endoscopique. Par endoscopie, par la bouche, l’abouchement de la voie biliaire dans le duodénum est ouvert (sphinctérotomie endoscopique) et un tube soit en plastique, soit en métal est glissé dans les voies biliaires. Ce traitement est généralement proposé aux patients qui ont une infection aiguë non contrôlée, un risque opératoire élevé, l’échec de plusieurs intervention ou une fistule biliaire. Ce traitement peut nécessiter plusieurs séances s’étendant sur plusieurs mois.

  • La réparation biliaire chirurgicale ou intervention de Hepp-Couinaud. C’est le traitement de référence. Elle doit répondre à un certain nombre de principes :

    • ne pas méconnaître un canal séparé et/ou des calculs dans les voies biliaires, d'où la nécessité d'une cholangiographie per-opératoire (radiographie des voies biliaires au cours de l'intervention),

    • retrouver la muqueuse biliaire saine, ce qui nécessite le plus souvent de disséquer les voies biliaires dans le foie et d’isoler et ouvrir le canal biliaire gauche,

    • faire une anastomose entre ce canal ouvert et le jéjunum sans traction, sur des extrémités bien vascularisées et avec un bon affrontement muco-muqueux, c'est une anastomose bilio-digestive par une anse en Y à la Roux mesurant 70 cm de long.

Si un bon résultat est obtenu dans environ 85 % des cas, pour certaines plaies graves d’emblée ou pour un échec, éventuellement itératif, de la réparation, une hépatectomie ou même une transplantation hépatique peuvent être nécessaires.

En suivant ces principes, les résultats doivent être bon : la ré-opération de réparation doit être définitive et « pour la vie ».